Préservation du patrimoine routier : retour sur le premier Congrès mondial, PPRS 2015

mars 2015
Evènements Partenaires

Partenaire du premier congrès mondial sur la préservation du patrimoine routier (PPRS Paris 2015) qui se tenait du 22 au 25 février 2015 à Paris, l'IDRRIM vous propose un retour sur quelques temps forts des 3 journées de conférences proposées par cet évènement unique pour tous les acteurs clés de la préservation du patrimoine routier.

Le PPRS Paris 2015 en chiffres :

-1 100 participants, originaires de 59 pays
-50 exposants
-19 sessions dont 3 plénières et 2 agoras
-113 orateurs
-111 communications dont 2 en direct de Washington (Etats-Unis)
-2 millions de tweets


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Session d'ouverture | lundi 23 février 2015

Jean-François CORTE, Secrétaire général de l'AIPCR et Président du PPRS Paris 2015, a ouvert l'évènement en insistant sur deux points essentiels :

Les infrastructures construites au cours des 50 dernières années ont permis de mettre en place dans le monde un réseau de grande qualité mais qui, faute de moyens sanctuarisés dédiés à son entretien, se dégrade et ne correspond parfois plus aux services qu'il doit rendre.

Les financements en période de crise et d'instabilité politique étant encore plus difficiles à trouver, il est temps de réagir avant que la situation ne devienne irrécupérable.

Christophe SAINTILLAN, Directeur des infrastructures de transports (MEDDE), a ensuite présenté le rôle de l'Etat dans le système routier français, en signalant parallèlement celui des associations partenariales, notamment l'IDRRIM.

Michael CRAMER, Président de la Commission Transport du Parlement européen, a quant à lui rappelé que les méthodes doivent aujourd'hui changer pour parvenir enfin à des résultats en matière de transports et sortir au plus vite de l'immobilisme européen.

"Initiatives pour la sanctuarisation de l'entretien" | Intervention de Marc Tassone, Directeur général de l'IDRRIM

Marc Tassone, directeur général de l'IDRRIM, intervenait dans le cadre de la session "Initiatives pour la sanctuarisation de l'entretien" pour présenter le livre blanc de l'Institut "Entretenir et préserver le patrimoine d'infrastructures de transport : une exigence pour la France".

Télécharger sa présentation

"Incitations à l'innovation" | lundi 23 février 2015

Dans le cadre de sa présentation du programme Horizon 2020 et de ses objectifs, Christine MAROLDA, directrice en charge de la recherche et de l'innovation auprès de la DG MOVE de la Commission européenne, a dressé un constat alarmant : les pays n'investissent pas assez dans les infrastructures de transport et le changement climatique bouleverse la donne en mettant en avant le fait que le passé ne pourra plus jamais servir de socle au futur. Plusieurs politiques s'opposent aujourd'hui : préventive (sécuritaire mais peu incitative), prédictive (la meilleure solution mais peu employée), curative (employée majoritairement et très couteuse).

Pour s'en sortir, l'Europe a créé le programme H2020 qui propose pour la première fois de dédier des fonds à la recherche et l'innovation pour les infrastructures. Il s'agit d'appels à projets annuels dont les thématiques doivent prendre en compte la résilience des infrastructures et la réduction des impacts notamment environnementaux, mais aussi répondre à la détérioration rapides des patrimoines d'infrastructures (entretien et optimisation). La prise en compte des véhicules électriques et des véhicules autonomes sont également des questions majeures.

Les PPI (public procurement for innovation), devenus en France les partenariats pour l'innovation (PI), doivent permettre d'atteindre l'objectif d'expérimenter les innovations les plus prometteuses en associant dès le départ un maitre d'ouvrage et une entreprise.

Omar ESSEKELLI, chef de la division maintenance des routes auprès de la direction des routes du Maroc, a ensuite présenté la politique marocaine en matière de soutien à l'innovation et insisté sur le rôle moteur du maître d'ouvrage public qu'est l'Etat : soutien des entreprises innovantes dans des conditions de marchés légales ; soutien des pôles de compétitivité ; action en faveur d'une innovation irréversible. Quelques chiffres-clé ont illustré son propos :

  • le réseau routier du Maroc représente 90% de la mobilité des personnes et 75% du fret
  • il compte 57 000 kms de routes dont 41 000 revêtues
  • 87% des couches de surface sont des ESU et 13% des BB
  • 14% seulement ont plus de 6m de large

Omar ESSEKELLI a ensuite détaillé son programme d'actions :

  • Organisation d'échanges (journées d'information et de formation, participation à des visites techniques, congrès mondiaux et séminaires, organisation d'un congrès national tous les 4 ans
  • Elaboration de guides et documents normatifs
  • Mesures pour permettre l'ouverture aux variantes, encourager les chantiers expérimentaux, appui et assistance aux maitres d'œuvre qui innovent, par exemple avec l'introduction des techniques à froid et tièdes, et du ciment (convention avec profession ciment).

"Gestion des Patrimoines routiers" | mardi 24 juin 2015

Christophe SAINTILLAN, Directeur des infrastructures de transports (MEDDE), a tout d'abord rappelé que les transports représentent en France :

  • une dépense totale annuelle (Etat, Collectivités locales, ménages, entreprises)de 260 milliards d'euros soit 10% du PIB.
  • un patrimoine d'un million de kms dont 9 000 km d'autoroutes à péage et 12 000 km de routes appartenant à l'Etat ; soit 250 milliards d'euros en reconstruction à neuf et représentant le premier poste du patrimoine de l'Etat.

Le contexte français actuel est fortement marqué par la succession de deux hivers rigoureux en 2008-2009 et 2009-2010, qui a mis à mal le réseau avec des successions de gel/dégel, et par la prise en compte du développement durable.

C. Saintillan a ensuite plaidé en faveur d'une nouvelle politique d'entretien nécessitant :
- De disposer au préalable de la meilleure connaissance du patrimoine possible
- D'intégrer 3 objectifs : le maintien du patrimoine en état, le maintien de la sécurité et de la viabilité, le confort des usagers de la route
- D'adopter une méthode claire : prise en compte du trafic (ancien) mais aussi du climat dans le dimensionnement ; Evaluation du coût théorique ; Estimation des besoins de réhabilitation ; Réalisation de plusieurs scénarii comparés aux ressources financières et à l'évolution du réseau ; Définition d'un scénario optimum qui conduit à une durée de 12 ans
- Même type de méthode pour OA et équipements
- Définition d'une typologie des techniques à utiliser
- Etablissement de consignes de recours à ces techniques en fonction du trafic et du climat.

Interrogé par l'assistance sur les méthodes utilisées par les collectivités locales, C. Saintillan a précisé que la documentation technique que l'Etat produit pour ses propres services est à la disposition des collectivités, et que l'IDRRIM joue le rôle d'appui pour les aider dans leurs missions.

Dr Shigeru KIKUKAWA (Japan road association) est revenu sur les deux catastrophes récentes qui ont ébranlé le Japon :

  • l'une mondiale, avec le séisme du 11 mars 2011 qui a fait 20 000 morts et détruit des milliers de routes, maisons immeubles etc...
  • l'autre nationale : l'effondrement en 2012 de 150m de la voute du tunnel de Susago qui a fait 9 morts et 200 blessés

Le Japon est un pays vieillissant dont le système de sécurité sociale n'est plus soutenable : les dépenses totales du pays s'élèvent à 1000 milliards de dollars par an, dont 300 affectés au système de sécurité sociale et 230 au remboursement de la dette et aux travaux liés aux catastrophes, tout cela dans un contexte de crise financière.

Les investissements dans les travaux publics ont diminué de 50% en 2014 et le secteur routier (Etat : 23 517 kms ; Autres : 1,5 millions de kms) a vu son chiffre d'affaire passer de 20 Mds à 15 Mds de 2007 et 2013.

Le nombre de ponts à circulation restreinte en tonnage était s'élevait à 977 en 2008, il était de 2104 en 2013.

Le gouvernement a légiféré en 2013 et un rapport a été remis en juin 2014 avec pour recommandations d'établir un programme d'inspections pour le réseau national (chaque portion de route tous les 3 ans) pour connaître l'état des patrimoines (à l'aide de trois indicateurs : fissures, profondeur des ornières, rugosité), de rechercher une plus longue durée de vie pour les chaussées, d'utiliser le béton et les enrobés drainants, de recycler 100% des fraisâts, de rechercher la possibilité d'avoir des couches de roulement retenant l'eau.

Lila TACHTSI, Directrice gestion des patrimoines d'infrastructures chez ATKINS Consulting UK, a souligné la particularité du Royaume-Uni qui compte 157 maîtres d'ouvrages routiers différents pour les routes locales représentant 98% du linéaire :

  • 183 000 miles de routes soit 290 000 kms
  • 113 000 miles non classées
  • 52 000 ponts
  • Estimation patrimoine à 235 milliards de £ soit 330 milliards d'euros

Pour les britanniques, les conditions routières (sécurité, fluidité, confort) représentent leur 2ème préoccupation.
Le département des transports du ministère encourage la collaboration entre secteurs public et privé.
La recherche de financements sur des périodes de 6 ans est actuellement la demande courante établie au Royaume-Uni.
Le ministère a mis en place une politique incitative prévoyant que les maîtres d'ouvrages qui auront le mieux préparé leur programme de maintenance des routes seront les mieux servis en crédits et en possibilités d'emprunts.

"Outils et méthodes d'acquisition, d'analyse et de gestion du patrimoine routier" | 24 juin 2015

• Jean-Michel SIMONIN, IFSTTAR France, est revenu sur la recherche, depuis les années 2000, d'outils permettant d'accéder à une auscultation plus rapide des chaussées par rapport au déflectographe Lacroix (3 km/h) et au curviamètre CEBTP (8 km/h). Des essais ont été faits avec la lumière structurée mais le projet a été abandonné.
Deux appareils RWD pour rolling wheel deflecto et rolling weihgt deflecto ont été créés en prototype mais le RWD (wheel) est très long et pose des problèmes dus à sa taille.
Pour autant, un autre type d'appareil, le HSD puis TSD (pour High Speed Deflecto puis Traffic Speed Deflectometer)a vu le jour et est aujourd'hui commercialisé aux Etats-Unis. Il est utilisé dans le trafic à 70 km/h et le principe de fonctionnement est basé sur la mesure du bassin de déflexion créé par la charge en plusieurs points de distance à la charge par des vélocimètres lasers qui mesurent la vitesse de déformation de la chaussée. L'intégration de ces mesures de vitesse permet de remonter à une déflexion de la chaussée.

La France les a accueillis pour des essais croisés (Nord) sur RN, RD et autoroutes. Les résultats de ces essais croisés seront connus en 2015.

Les essais de répétabilité donnent des valeurs satisfaisantes pour les chaussées souples (bitume) et moyennes pour les chaussées rigides (béton, liants hydrauliques).

Plusieurs pays en sont aujourd'hui équipés : le Royaume-Uni, l'Australie, l'Italie, la Pologne, la Chine, les Etats-Unis, l'Afrique du Sud.

Marc Tassone, IDRRIM, a interrogé Jean-Michel SIMONIN sur les raisons de la non expérimentation de ces matériels innovants par la France, alors même qu'ils pourraient répondre aux besoins exprimés par les collectivités au sein de l'IDRRIM. Ces outils ne seraient pas encore complètement fiabilisés.

"Financement" - mercredi 25 juin 2015

• Alex VAN NIEKERK, Directeur d'exécution du projet de Gauteng Freeway à Johannesburg SA, a présenté le système de financement par péage urbain du projet d'autoroute urbaine Gauteng Freeway autour de Johannesburg.

Il a expliqué en détails l'utilité de cette infrastructure pour le développement de l'agglomération et la raison pour laquelle le financement par concession et péage avait été retenu pour la réalisation sous MAO de l'agence nationale des Routes d'Afrique du Sud. Parmi les différentes solutions bien connues que sont les subventions de l'État, les taxes sur l'essence, les vignette ou le péage, le gouvernement a choisi le dernier moyen car il est, de son point de vue, le plus équitable : "l'utilisateur paie ce qu'il utilise".

Le projet, démarré en 2008, a été mené sans gros problèmes pendant les travaux, jusqu'au jour de l'inauguration de l'autoroute où les automobilistes ont découvert qu'il leur faudrait payer pour l'utiliser. Cette très forte opposition publique en décembre 2013 a été très difficile à gérer.

Les conclusions du directeur de l'agence sont les suivantes :

-Le principe du péage urbain est un bon principe lorsque les financements publics ne sont plus possibles car il apporte une solution rapide et efficace.

-La communication grand public sur ce genre de projet doit être très bien managée, très en amont pour que les bénéfices attendus de la mise en place du projet avec son financement soient bien compris par la population :

  • Réduction des embouteillages qui ont un impact social et financier important
  • Réduction des nuisances sur la santé et sur l'environnement (pollution)
  • Réduction de la mortalité routière
  • Paiement aujourd'hui pour économiser de l'argent plus tard
  • Préserver le bien public, appartenant aux citoyens, qu'est le patrimoine d'infrastructures
  • Coût final pour l'usager assez faible : entre 7,5 et 30€/mois et gratuit à certaines heures.

• Norma ORTEGA, Chief Financial Officer du DOT de Californie, est revenue sur l'ensemble des moyens de financement possibles aux Etats-Unis, où les routes se détériorent et où la sauvegarde des patrimoines d'infrastructures est devenue une urgence nationale. Le financement des infrastructures provient aujourd'hui à hauteur de 27% des subventions du gouvernement fédéral, les autres sources provenant de :

  • La taxe à l'essence : facile à mettre en œuvre et quasi indolore même si l'Oregon a récemment vu sa proposition d'augmentation refusée lors du vote du budget. [USA :0,08 à 0,30$ /gallon suivant les Etats soit 2,5 à 8 cts/l ; France : 4$/gallon ; Turquie : 5$/gallon]
  • Les Sales taxes (équivalent de la TVA) produisent un revenu global non affecté, difficile ensuite à réaffecter aux routes sans la volonté du Congrès.
  • Les péages : peu utilisés aux Etats-Unis (dans 29 états sur 50, plutôt à l'Est et sur un kilométrage très faible).
  • Les partenariats publics-privés, encore peu utilisés
  • Les Cap and trade : programmes d'allocations de financements obéissant à des critères développement durable surtout orientés vers la protection de l'environnement (2,27 milliards alloués en 2013 pour des économies d'émission de Co² mais essentiellement dédiés aux LGV).
  • Road user charge : en discussion au Sénat américain pour faire face aux besoins énormes du pays : 300 milliards de dollars pour construire de nouvelles infrastructures nécessaires au développement / 6 milliards de dollars par an pour entretenir le réseau existant de 4 millions de miles (6,4 millions de kms).

Discours de clôture de Jean-François Corte, président du PPRS 2015 et Secrétaire général de l'Association mondiale de la route (AIPCR) :

"La première édition du Sommet de la Préservation du Patrimoine Routier et du Recyclage (PPRS Paris 2015) nous a permis d'identifier clairement les priorités et de confirmer que :

1. L'entretien des réseaux routiers est une préoccupation partagée au niveau mondial, comme l'ont montré de nombreux témoins d'Afrique, des Amériques, d'Asie, d'Australie et d'Europe ;

2. Chacun s'accorde sur la nécessité de se mobiliser ;

3. Un grand nombre d'initiatives ont déjà été prises par les autorités et l'industrie routières en matière de matériaux innovants, de nouvelles formes de gestion du patrimoine routier, de financement ou de contrats. Le partage des expériences et l'analyse comparative, qui étaient au cœur de ce Congrès, sont essentiels.

PPRS Paris 2015 ne doit pas rester sans suite. Nous devons capitaliser sur cet investissement. Bien entendu, il revient aux différentes organisations qui ont contribué au succès de cet évènement de définir leur engagement dans les actions futures. Je suis convaincu que l'on entendra encore parler du PPRS très prochainement.

De mon point de vue, il est essentiel de mettre en place un plan d'action continue et de ne pas se contenter d'organiser tous les quatre ans un événement comme celui-ci. Il importe donc d'établir un suivi et une évaluation des progrès réalisés sur un certain nombre de sujets majeurs. S'il y en avait un à mettre en avant plus particulièrement, ce serait la communication.

Tous les participants ici présents sont convaincus de la nécessité absolue d'entretenir les réseaux de transport routier pour garantir une mobilité et un développement durables.

Mais pour cela, nous devons convaincre l'opinion publique, les usagers, les medias et les politiciens, non pas au nom d'un lobby de la route, mais en insistant sur les bénéfices socio-économiques que la route procure. Une bonne communication aura un impact direct sur le processus de décision, pas seulement en termes d'allocation de budgets, mais surtout en termes d'acceptation des programmes de financement et des programmes de construction et de réhabilitation.

Comme cela a été souligné ce matin par un de nos orateurs d'Afrique du Sud, Alek van Niekerk, nous devons montrer que le transport représente un enjeu social.

Par exemple, réduire d'une heure le temps de transport quotidien des automobilistes ne se mesure pas seulement en termes d'économies exprimées en euros mais aussi en temps supplémentaire consacré à la vie familiale ou au sommeil. Plus encore que les individus, ce sont les familles qui en bénéficient.

Il nous faut donc reconsidérer notre façon de communiquer.

Je voudrais partager avec vous une autre idée. L'attention est surtout concentrée sur les routes principales, les autoroutes et les voies express. Or, le réseau routier local doit être inscrit dans nos priorités. C'est là que le retard d'entretien est le plus criant. Souvenons-nous des articles de presse présentés lors de la cérémonie d'ouverture. Tous les usagers - les automobilistes bien sûr, mais aussi les piétons, les cyclistes, ceux qui empruntent les transports en commun (bus, autocars, taxis et co-voiturage), sont concernés par les routes locales ; tous font quotidiennement l'expérience d'un entretien défectueux du réseau."

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